Macron, et après ?

, par Alain Naze


Imaginons, et cela ne demande pas une imagination délirante, que Macron soit réélu en avril. Quelles pourraient en être les suites ? Le parti macroniste n’a pas réussi à faire émerger une autre figure – et ce n’était certes pas le but, le mouvement EM étant dédié à la seule figure du chef. Edouard Philippe constitue la seule personnalité ayant réussi, à cet égard, à s’imposer, dans ce camp. Or, venant des LR, il attend de pouvoir s’émanciper de Macron pour rejoindre ses amis habituels de droite et du centre-droit. Or, les scores que les sondages attribuent à Macron tiennent essentiellement à la figure de Macron, ainsi qu’à son statut de Chef de l’Etat – particulièrement en situation de tensions internationales. Laissons de côté la question des législatives, dont on ne peut que difficilement douter qu’elle ne donne une majorité au Président nouvellement élu.
Je parle en fait de 2027. Une fois Macron parti, ne pouvant se présenter pour un nouveau mandat, si personne ne s’impose pour lui succéder, si la gauche continue de disparaître, de devenir inconsistante – et seul l’illusionniste Mélenchon la maintient jusqu’ici à flot (ou presque), dont on imagine mal qu’il puisse enchaîner sur une nouvelle campagne –, si la droite LR continue de se dissoudre, qui (quel camp plutôt) s’imposera alors ? La réponse est évidente : la droite extrême et l’extrême-droite. On remarquera d’ailleurs que l’amélioration des scores sondagiers du PC tient essentiellement à sa droitisation (participation de Roussel à la manifestation des policiers contre une Justice jugée laxiste, insistance sur des valeurs supposément « françaises » - l’amour de la viande et du vin -, sans parler de « l’apéroussel », clin d’œil aux apéritifs saucisson, excluant les Musulmans), guère éloignée de cette destruction de cités hébergeant des immigrés, par Robert Hue. Ajoutons encore qu’à présent Roussel (sur la même ligne en cela que Mélenchon) choisit, à l’occasion de la guerre en Ukraine, d’ajourner l’idée d’une sortie de l’Otan, c’est-à-dire renvoie aux calendes grecques l’idée d’une émancipation à l’égard des décisions états-uniennes en matière de politique étrangère et des opérations militaires qui en découlent.
On voit la catastrophe arriver, des néofascistes accédant au pouvoir. Il était déjà prévisible que le mandat piteux de Hollande déboucherait sur une montée d’un néofascisme – cela a été le cas, et seul son clone (avec un repeint de nouveauté), Macron, a pu ajourner l’échéance. Aggravant la politique de Hollande, du point de vue des politiques sociales, mais aussi du point de vue d’une radicalisation des pratiques policières violentes, Macron a entraîné encore une hausse d’audience de l’extrême-droite – les scores sondagiers cumulés de Le Pen et de Zemmour étant aux alentours de 30% au premier tour. Enlevons Macron, pour 2027, et la figure falote qui lui succédera achèvera le processus.
Le prochain quinquennat de Macron sera encore pire : « Je ne m’interdis rien », clame-t-il, certain de sa réélection. Et il en donne déjà une idée : la retraite à 65 ans, avec 45 années de cotisation, un travail gratuit (de 20 heures) imposé aux « bénéficiaires » du RSA, une baisse des taux de succession, etc. « Après moi le déluge ». C’est toujours la même histoire : l’opinion étant de plus en plus droitière en France, droitisons nos positions, pour ne pas être dépassé par la droite. En cela, deux solutions possibles (qui n’en font qu’une) : soit des revendiqués « démocrates » mènent une politique de droite, voire de droite extrême sur certains thèmes (pour endiguer la montée de l’extrême-droite), soit ils ne le font pas, et laissent l’extrême-droite appliquer son programme. Où est la différence ?
Mélenchon n’échappe pas à cette stratégie, lui qui, républicaniste de la première heure, considère que la question des Outre-mer n’est qu’une question d’égalité républicaine, et que l’indépendance n’est pas une question qui puisse se poser. Partant de là, il donne raison aux Mahorais voulant chasser les Comoriens de Mayotte, acceptant l’idée d’une instauration, sur ce territoire, de règles d’exception concernant les migrants. Le pire est, qu’en disant cela, il reconnait qu’entre Mahorais et Comoriens, on a souvent des familles, réparties sur les différentes îles de l’archipel – mais cela n’infléchit pas son discours. Jamais il ne remet en question le référendum scélérat, condamné par l’ONU, qui a abouti à privilégier les résultats concernant la seule île de Mayotte (favorables au rattachement à la France) – quand le droit international interdit de considérer de tels résultats indépendamment du résultat global (qui penchait très majoritairement pour l’indépendance des Comores), concernant toutes les îles de l’archipel. En quoi se différencie-t-il du RN, prêt à accepter les demandes de tous les Mahorais se revendiquant d’une identité (fantasmatique, cela va de soi) mahoraise ?
Bref, l’élection à venir sera un non-événement. Que TF1, certes pour des raisons pécuniaires, envisage de diffuser Les visiteurs, en lieu et place d’une soirée électorale, indique suffisamment que le suspense n’existe guère. Je n’irai pas jusqu’à regarder ce film, mais ignorer cette soirée électorale, c’est déjà un premier pas vers une forme de défection. Les luttes viendront, à nous d’en définir les contours.