Numéro vert

, par Valérie de Sainte-Belette


Le truc que j’arrive pas à comprendre, c’est que chaque fois que je fais le numéro que m’a donné ma copine Frédérique, je tombe sur Marine...

Allô, Frédérique, c’est Charles, du département de philo de Paris... - je voulais te passer quelques infos de première main sur la façon dont les islamo-gauchistes ont noyauté le département, juste quelques noms... Tu m’entends ?
– Allô, oui, bonjour, merci d’appeler – mais juste, là, c’est pas Frédérique, elle est en déplacement en Chine, au Xinjiang...
– Ah, mais c’est bien le numéro vert où elle m’a dit qu’on pouvait la trouver, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit... ? Vous êtes... ?
– Marine. En fait, on partage le numéro, les temps sont durs, comme vous savez, alors on rationalise, on fait des économies. Et puis, de toute façon, sur le sujet, on est syncrone-raccord, donc pas de problème. Allez-y, dites-moi, je transmettrai à Frédérique quand elle sera de retour...
– Je vois... Mais qu’est-ce qu’elle fait au Xinjiang ? Une mission humanitaire ?
– C’est-à-dire... Elle a pensé, enfin,
on a pensé que ça ne serait pas mal de voir d’un peu plus près comment ils s’y prennent, les Chinois, avec leurs camps de rééducation citoyenne pour les Ouïgours... On s’est dit que ça pourrait nous inspirer pour nos islamo-gauchistes, à l’université, toute cette racaille les profs, les étudiants, les hommes de ménage avec leur calotte sur la tête et les femmes voilées qui balaient en arabe dans les couloirs... On appellerait pas forcément ça des camps, ça fait un peu mauvais genre, disons des centres, où on les remettrait sur le chemin des conduites républicaines, on leur ferait chanter la Marseillaise, lever les couleurs, lire du Houellebecq, écouter Cnews le soir... Quand c’est nécessaire, faut savoir se mettre à l’école des autres... Mais parlez-moi de votre département, ça m’intéresse beaucoup, vu son passé, sa réputation...
– C’est-à-dire que... je suis un peu pris au dépourvu... vous savez, Frédérique est une grande amie, quand elle a ouvert ce numéro vert pour que les enseignants républicains à l’Université puissent remplir leur devoir civique en attirant son attention sur quelques agitateurs islamo-gauchistes notoires et patentés, j’ai trouvé l’idée formidable, et je voulais partager mon expérience de manière un peu informelle avec elle – pas question de délation, sans doute, mais...
– Cela va de soi...
– Exactement... Mais bon, quand même les Ouïgours, les camps ou les centres, comme vous dites – c’est un peu inattendu... ça demande peut-être réflexion – un peu...
– Bien sûr, bien sûr... Mais on m’a rapporté que dans votre département, certains enseignants interrompent leur cours à l’heure de la prière ? Que les islamistes étalent leur tapis entre les travées dans les amphis ? Qu’ils en trouvent à leur disposition au secrétariat du département s’ils ont oublié le leur à la maison ?
– Ah ! Si ce n’était que ça ! Pas plus tard que la semaine dernière, l’amphi Victor Cousin dans lequel je faisais, avant le confinement, mon cours très suivi sur Bénédict a été rebaptisé
Amphi Tariq Ramadan, tagué en grosses lettres rouges sur la porte ! Les collègues sur lesquels je voulais attirer l’attention de Frédérique, vous savez en quoi consistent leurs cours en distanciel ? Une séance de lecture commentée des Damnés de la terre, et, en alternance, une séance sur « les concepts fondamentaux de la pensée indigène ». Quatre thèses en cours sur l’œuvre de Houria Bouteldja !
– C’est atterrant, scandaleux... Et vous même, votre positionnement républicain et votre courage civique vous ont-t-ils valu des tracasseries ? La cinquième colonne islamo-gauchiste cherche-t-elle à vous intimider ? Vous sentez vous menacé ?
– Et comment ! Même si ça va mieux depuis que je suis sous protection policière... Quand l’enseignement avait encore lieu en présentiel, je découvrais régulièrement le tableau de la salle où j’officiais recouvert d’inscriptions en français et en arabe à la gloire du djihad, à dessein, griffonnées au gros feutre rouge indélébile, juste avant que j’arrive... Sans parler des graffitis sur les murs dans tout le département - « A mort les Croisés ! », Kepel à la poubelle ! », « AQMI au pouvoir ! », etc. Et les remarques des collègues, les quolibets – ces foulards palestiniens qu’on me glisse régulièrement dans mon casier, les réflexions ironiques et sournoises, au passage, dans le bureau - « Tiens, Charles, tu es là, je te croyais en mission au Sahel ! » - et ces devoirs truffés de versets du Coran, juste pour me faire enrager !
– Est-ce que vous iriez jusqu’à dire que votre département est l’exemple même du territoire perdu de la République ?
– Une zone libérée, vous voulez dire, avec sa police intellectuelle islamiste, et bientôt la sharia – foulard obligatoire pour les étudiantes et messes décoloniale tous les jours ! Et derrière toute cette agitation, les vieux soixantuitards du département qui se frottent les mains et qui, quoiqu’à la retraite, continuent à tirer les ficelles, à infiltrer les séminaires et entretenir la flamme de la subversion avec toujours les mêmes méthodes de terrorisme intellectuel... C’est plus le Petit Livre rouge, c’est Saint-Foucault par-ci, Saint-Deleuze par-là, le trip dans la Vallée de la Mort et les ayatollahs, les ailes du désir et les Palestiniens, cours obligatoires, dès le premier cycle...
– Effrayant... cela dépasse tout ce que je pouvais imaginer... Ecoutez, dès que Frédérique sera rentrée de mission, je propose que nous organisions une visite de votre département, convenablement médiatisée, où vous serez notre guide. Frédérique sera mise en avant, je me ferai discrète – mais je fournis le service d’ordre – vos petits subversifs rouge-vert auront intérêt à raser les murs...
– Brillante idée ! Mais visite surprise, hein, pas de fuites, qu’ils n’aient pas le temps d’effacer les graffitis et d’escamoter les tapis de prière ! Merci mille fois et à très bientôt, donc ! Ça fait plaisir de se savoir soutenu...

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PS : Le Monde du 20 février, attribuant la sortie de route de Frédérique Vidal à une sorte de burn-out, révèle que celle-ci s’active si furieusement au service de la cause républicaine qu’il lui arrive de ne rien manger pendant trente-six heures d’affilée... Pas étonnant, dès lors, qu’elle voie des islamo-gauchistes partout – hallucination de la faim, tout ce qu’il y a de plus courant...

Un quarteron d’universitaires sans cœur ni conscience réclame sa démission – à ce vilain coup de pied de l’âne, opposons sans hésiter notre slogan compassionnel : un sandwich pour Frédérique ! Avec des cornichons ? Mais non, ça ferait double emploi, elle a déjà Blanquer...

Valérie de Sainte-Belette