Apnées du soleil

, par Géraldine Katiba


« Encore quelques pages comme celle-ci et je n’aurai qu’à me présenter au guichet de l’opinion publique pour toucher la gloire ! »
Jules Renard, L’Ecornifleur

1- Tous les traducteurs sont des paresseux invétérés, tout particulièrement les traducteurs littéraires. Quand ils livrent la marchandise à l’éditeur, il manque toujours quelque chose. Ainsi, tout récemment, pris la main dans le sac, Theo Cuff, traducteur de l’anglais du Journal de Jules Renard – ce qui, dans l’édition anglaise, donne donc : Journal 1887-1910 by Jules Renard ; alors qu’il faudrait évidemment lire, si ce petit monsieur pressé s’était donné la peine de finir le boulot : Journal 1887-1910 by Julius Fox.

2- On pourrait toujours tenter d’écrire et de publier une nouvelle de trois pages intitulée « La dormition des blaireaux sphériques »... Mais franchement, à quoi cela nous avancerait-il ?

3- A la thèse de Macron selon laquelle tous les étrangers sont dangereux, mais certains le sont plus que d’autres (26/102022), nous opposerons celle-ci : tous les cons sont dangereux. Mais plus ils sont puissants, plus ils le sont.

4- Si les mots ont un sens : fringale – envie tant frénétique qu’irrésistible de s’acheter des vêtements, en dehors de la période des soldes.

5- Evitez de confondre Paul Ricard et Paul Ricoeur : le nom du premier s’associe à un apéritif, celui du second à un purgatif.

6- Pourquoi la calvitie est-elle fortement déconseillée aux monarques, rois, reines, impératrices, empereurs, princes et princesses de sang ? A cause du respect dû au bourreau : comment voulez-vous qu’il s’y prenne pour montrer la tête fraîchement coupée au peuple, en l’absence de cheveux pour l’empoigner ?

7- A la fin du second quinquennat de Macron, celui-ci aura si bien caméléonné Marine que le bon peuple ne se rendra même pas compte du passage de relais de l’un à l’autre – tant celui-ci s’effectuera en douceur... Ah, il aura l’air malin, le Plenel, alors !

8- L’irruption d’un nouveau concept dans l’espace de la philosophie se produit exactement sur le même mode que celle d’un de ces infimes dispositifs qui produisent d’immenses bouleversements dans la dimension de la vie quotidienne et des façons de faire : la fermeture éclair, le petit opercule qui permet d’ouvrir une boîte de conserve sans ouvre-boîte, le scratch, etc. Dans les deux cas, c’est l’imagination qui rend possibles les réagencements, dans les deux ordres – la vie pratique, la pensée. En ce sens, un nouveau concept est un objet pratique avant tout, la raison pour laquelle, sans doute, Deleuze et Foucault parlent de « boîte à outils ». D’où il découle qu’un concept, ça n’est jamais qu’une sorte de tire-bouchon, de plus ou moins bonne qualité.

9- On était quand même toujours un peu énervés quand le SO paradait et que les anars nous tournaient autour en scandant : « Kronstadt ! », « Kronstadt ! ».

10-
– Qu’est-ce que vous détestez le plus au monde ?
– Les fils.
– Les fils ?
– Oui, les fils électriques, les câbles, quoi – ceux de mon ordi, de l’imprimante, de la lampe de bureau, du chargeur pour le portable, de la télé, de la box, de l’aspirateur...
– Ah bon... Et qu’est-ce que vous leur reprochez ?
– Leur méchanceté ontologique. La joie maligne (Schadenfreude) avec laquelle ils s’emmêlent les uns dans les autres, font en sorte qu’on se prenne les pieds dedans au risque de voir nos précieux outils de travail se fracasser sur le sol. Ce que je leur reproche, c’est leur nihilisme intrinsèque...
– Mais ne faudrait-il pas plutôt incriminer ceux qui conçoivent ces appareils et retardent l’avènement de l’ère du sans-fil ?
– C’est une conjuration : le Capital fait durer les fils de façon à ce que nous soyons emmerdés au maximum et n’ayons plus d’énergie à consacrer au soulèvement, tout comme il perpétue le plastique de façon à réduire notre espérance de vie. Mais les fils ont aussi leur part de responsabilité : ils luttent pour leur survie et ne peuvent se perpétuer que comme nuisance. En ce sens, ils sont de la même espèce que les guêpes, les moustiques, etc.

11- Evidente supériorité de la position (prise) en levrette sur toute autre : dans la position classique, dite du missionnaire, les corps s’écrasent l’un sur l’autre, les membres s’enchevêtrent, les nez, les bouches se gênent, etc. Dans la position en levrette, en revanche, les corps sont bien découplés, ce qui veut dire que l’accouplement peut trouver sa pleine mesure, jusqu’au paroxysme de la jouissance. Au reste, la position du missionnaire est sectaire et excluante – les minorités sexuelles ne s’y retrouvent pas. Surtout, la prise en levrette est la seule dans laquelle le trait proprement bestial de la sexualité s’affiche ; son grand mérite en ce sens est de réintégrer avec éclat l’humanité dans le champ de l’animalité – et c’est sur ce point, précisément, que nous nous séparons de tous les christianismes.

12- L’un des domaines où la constance et l’impétuosité du progrès se montre avec le plus d’éclat : le sport – là où, justement, l’humain se tient au plus près de l’animal : courir, sauter, attraper, grimper, frapper, etc.

13- Nous sommes d’un temps où la civilisation est en train de périr par les moyens de la civilisation » (Nietzsche, Humain, trop humain, § 520) – un peu plat, non ?

14- Le moment critique dans la vie, c’est celui où l’on commence à avoir du mal à enfiler ses chaussettes sans ahaner. Il paraît qu’on peut se procurer, en Autriche et dans toutes les pharmacies de ce beau pays, une pilule de fin de vie – l’alternative au suicide assisté more helvetico.

15 – Si Pérec, au lieu de Pérec, s’était appelé von Schmutz, il n’aurait pas forcément été nazi pour autant – non mais c’est vrai, quoi...

16-
Serre-moi la main
Eléonore
Serre-moi la fort
Serre-moi là
Encore
Mais gare à toi
Si tu m’la mords -
Eléonore !

17- Maxime : mieux vaut buller en Ardèche que vivre dans la dèche (à Paris ou ailleurs). Mais mieux vaut encore vivre dans la dèche que lire un bouquin de (Maurice) Bardèche – ce chien de fasciste (pas sympa pour les chiens).

18- Macbeth (bête) : silly pimp.

19- Ce n’est pas Thomas Kuhn qui a inventé le paradigme de Vanessa ; c’est Jean-Claude Brisseau ou, à la rigueur, Johnny Depp.

20 – Punk rock britannique : ça commence avec des cris de bête blessée et ça finit avec l’Ordre de la Jarretière.

21- Du bon usage des gros mots, des imprécations, des injures, etc. : trop précieux pour être abandonnés au premier con venu.

22- Au point où l’on en est, persiflait ce vieux macho de N., il suffira désormais qu’une fille déclare qu’un garçon lui a tapé dans l’œil pour que se déclenchent automatiquement les sirènes de #Metoo...

Géraldine Katiba