L’autre Kafka - pour un cinéma mineur

, par Joachim Dupuis


« Il n’y a de grand, de révolutionnaire, que le mineur.
Haïr toute littérature de maîtres [1] »

(Deleuze et Guattari)

Deleuze donne deux sens au terme de minorité : 1°) « minorité désigne d’abord un état de fait, c’est-à-dire la situation d’un groupe (exemple, les femmes, les Noirs, les Juifs, les homos) qui, quel que soit son nombre, est exclu de la majorité, ou bien inclus, mais comme une faction subordonnée par rapport à un étalon de mesure qui fait la loi et fixe la majorité » ; 2°) « minorité ne désignera plus un état de fait, mais un devenir dans lequel on s’engage » [2].
Appliqué au cinéma le concept de minorité ouvre la voie à deux approches : A/une histoire dé-coloniale, anthropocène, androcène du cinéma où seraient décrites les minorités plus ou moins invisibles, plus ou moins stigmatisées. Par exemple la place à l’écran des Noirs, des Indiens, des Juifs, des femmes ou de la communauté LGBT [3].
B/ Ou une approche plus intempestive des « devenirs » qui arrache les films à la domination des studios, à leur loi et à leur storytelling. La première approche est déjà bien explorée par la recherche cinématographique, la seconde est encore à faire.

I — Kafka et le cinéma

Pour commencer, j’aimerais revenir sur la provenance du concept de minorité. Le concept de minorité — ou mineur — est associé (pour toujours) à la littérature de Kafka, depuis que Deleuze et Guattari ont écrit Kafka, pour une littérature mineure. Il est donc légitime de se demander si on peut appliquer réellement ce concept au cinéma. En considérant la totalité de ses écrits, on peut isoler deux ou trois traits spécifiques du mineur associés au cinéma.
Je citerai tout d’abord la première phrase du Journal (en date du 24 mai 1909) de Kafka : « Les spectateurs se figent quand le train passe » [4]. Cette phrase renvoie directement au cinéma. Il s’agit, tout le monde l’aura reconnu, de L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, film tourné en 1895 par Louis Lumière.
On peut faire deux premières remarques. Ma première, c’est qu’il est question dans cette phrase non pas de tout le film, mais d’un moment précis, le moment critique (le plus intense) du film, qui est aussi son « milieu ». Cette idée de milieu est un critère du mineur pour Kafka. Je cite encore Kafka : « Toutes les choses qui me viennent à l’esprit se présentent à moi non par leur racine, mais par un point quelconque situé vers le milieu » [5]. Écrire un journal, c’est saisir les événements d’une journée et en garder juste la quintessence, la trace d’un désir ; de la même façon : aller voir un film, c’est ne garder que des moments volés, des impressions, des ambiances. Écrire un journal, c’est la même chose que regarder un film : tout se fait toujours par le milieu. On ne suit pas un ordre. La mémoire ne restitue pas tous les événements dans leur ordre d’apparition.

Ma seconde remarque, c’est que ce moment est aussi un moment de crispation. Kafka ne retient ni la mise en scène, ni la position de la caméra (échelle humaine et plan général) ni le regard des voyageurs qui regardent la caméra, mais seulement l’effet produit à un moment donné sur le spectateur du film. C’est d’ailleurs ce qu’ont retenu aussi les premiers spectateurs du film. Clément-Maurice, chargé de l’organisation des projections des frères Lumière, raconte : « Ceux qui se décidaient à entrer sortaient un peu ahuris » [6]. L’important, ici, je crois, c’est que nous n’avons pas affaire à une émotion, mais à un affect [7]. L’affect engage le corps et l’esprit, les premiers spectateurs ne savent pas comment identifier ce qu’ils voient, quelle émotion éprouver, car il n’y a pas de précédent, il n’y a aucun repère, la grammaire du cinéma est encore, en 1895, à inventer. Ce qui est intéressant c’est que Kafka, malgré une plus grande expérience du cinéma, ait la même réaction devant ce film.
Un film en particulier a frappé Kafka, c’est La Traite blanche ou L’Esclave blanche de Blom (1911). C’est le second remake d’un film danois [8], qui a eu un succès considérable en Europe. On peut résumer l’histoire en une phrase : une petite annonce attire loin de sa patrie une jeune femme dans la misère qui se voit forcée de se prostituer, elle sera finalement sauvée par son amant. La structure du film est linéaire et quelques « cartons » permettent de bien en suivre la trame. C’est une intrigue unique, il n’y a ni unité de lieu ni unité d’action. Le montage est, quant à lui, relativement simple : une succession de plans généraux, qui sont autant de scènes filmées à hauteur d’homme — comme le sont tous les films à l’époque. L’industrie danoise (le film est danois) s’est développée dès 1908, et réalise de grosses productions qui n’ont pas encore la densité des films de Griffith (à partir de 1915, Naissance d’une nation, Intolérance). Ce qui frappe, d’abord, dans ce film, c’est ce que Kafka en retient. Il l’exprime en ces termes : « […] l’innocente est attaquée dans le noir par des inconnus dès la sortie de la gare, jetée dans une automobile et enlevée » [9].

1) Cette phrase est à première vue un simple souvenir du film. Comme pour le film des frères Lumières, le film L’Esclave blanche est saisi « par le milieu ». La scène n’est en effet placée ni au début ni à la fin du film, mais est un amalgame de deux moments du film. La scène où la jeune fille sort du train est à la 3ème minute du film. Et la scène du rapt, à proprement parler, est en réalité à la 35ème minute, pour un film d’une durée d’environ 47 minutes. Dans ce deuxième moment du film, la voiture de police est attaquée par le proxénète qui enlève à nouveau la jeune femme. Kafka opère donc une saisie du film par fragments et « condense » deux moments filmiques distincts. Le fait que son esprit amalgame deux bouts de scène suggère qu’il ne s’intéresse pas à la continuité filmique, autrement dit à l’histoire.

2) Cette scène même reconstruite est une scène d’enlèvement qui mêle « érotisme » et « violence ». Et on pourrait en conclure que Kafka, comme tout spectateur, est sensible aux procédés du cinéma majeur, comme ceux qui seront développés plus tard dans les studios américains. Le cinéma de cette époque forge un grand nombre de films autour de ce fantasme de la possession physique d’un homme pour une femme. D’ailleurs le film de Blom est un remake. Le sommet de ce genre de film sera atteint avec l’incroyable et génial film italien : Cabiria, quelques années plus tard. Pourtant Kafka ne succombe pas à ce procédé majeur, car justement la scène n’est pas fantasmatique, pour lui, bien qu’elle le bouleverse. « Tout m’apparaît, dit Kafka, en tant que construction » (19 nov 1913), « […] le moindre spectacle vu bouleverse tout en moi » [10]. Être bouleversé, c’est être saisi par l’étrangeté du film. Ce qui le frappe, c’est le cas de le dire, c’est l’effet de sidération. C’est un affect. Il est sidéré par cet enlèvement qui contrevient aux usages bourgeois. Il est possible que la scène de l’arrestation à la fin du roman Le Procès, en garde la trace. On se souvient : deux hommes emmènent Josef K. pour le tuer « comme un chien » (wie ein hund). Le cinéma apparaît à Kafka comme une matière étrange et étrangère. Le cinéma est ce « point d’Archimède [11] » dont parle Kafka, qui vient contrarier son éducation, ses valeurs bourgeoises, mais dont il ne suit pas le storytelling, défini par les studios et leur langue majeure.
À ce stade, Kafka nous donne une idée déjà du rapport mineur que l’on peut entretenir avec un film et qu’il porte en lui, et qui n’est pas étranger à la littérature. Mais cela ne nous dit pas si le film lui-même peut porter le mineur. Quels sont les critères d’un film mineur ?

II— Critères majeurs et mineurs du cinéma

Pour différencier un film mineur des films majeurs, encore faut-il être sensible aux différences et connaître leurs critères réciproques.

A — Qu’est-ce qu’un film majeur ?

Naissance d’une Nation, peut-être le film le plus controversé de l’histoire du cinéma, présente toutes les composantes majeures du cinéma : c’est un cinéma de maître, en tous les sens du terme. C’est un film fait par un maître qui forge par son audace la machine hollywoodienne dès 1915, c’est aussi un cinéma de maître, en ce qu’il transpire la domination suprémaciste du Ku Klux Klan. C’est un film qui refuse par tous ses pores le mineur. Ce film repose sur une construction narrative majeure. On peut l’envisager comme un diagramme. Il y a un axe vertical et un axe horizontal. L’axe vertical des lignées, des origines et l’axe horizontal, le plus souvent chronologique, de l’histoire.

Tout film majeur impose un système de la parenté, de la domination entre les personnages, selon des règles préétablies (identiques à celle de la société) et un cadre, qui définit le genre du film. C’est le sang, l’argent, l’honneur qui unit ou désunit les personnages. Sur le plan des lignées, le film est habité par l’opposition Blancs/Noirs, mais c’est le Blanc qui est la valeur fondamentale. Les acteurs ne sont pas Noirs, mais grimés, c’est une Blanche, Lilian Gish qui est la star. On a ici les bases de la fantasmagorie du cinéma américain.

Et puis, il y a l’histoire qui est articulée à une chronologie avec un début, un milieu et une fin, et entre le début et la fin, il faut un déséquilibre et un retour à l’ordre ou à la loi, ou comme dirait Judith Hess Wright, un statu quo. Sur le plan de l’histoire, Griffith imagine une sorte de réécriture de l’histoire, basée sur la peur des suprémacistes blancs envers les Noirs. Après la Guerre de Sécession, les Blancs de Caroline du Sud auraient perdu le pouvoir face aux Afro-Américains et ceux-ci auraient imposé leur loi. Et à la fin du film, l’arrivée de la cavalerie du Ku Klux Klan vient sauver les Blancs, d’une « bande d’anarchistes sauvages ». Ce procédé de la cavalerie sera repris dans de nombreux westerns ou films policiers.
Le cinéma jusque dans les années 70 va chercher à amplifier tous ces éléments à une échelle industrielle. Par exemple, Star Wars porte à un niveau supérieur cette topologie : c’est une histoire d’honneurs et de soumission, associée à des lignées extravagantes (Luke Skywalker et Dark Vador sont d’abord des ennemis puis ils se découvrent fils et père) et des fins apocalyptiques (menace de la fin de la République). Toute cette construction narrative est bien sûr portée par une construction technique. Dans un film majeur, on recherche l’harmonie et l’homogénéité dans les couleurs, les éclairages, la mis en scène de l’espace, les raccords entre plans. C’est l’étalonnage.

B — Critères du mineur

Les critères d’un film mineur empêchent la mise en place de cette machine hollywoodienne. Nous en avons vu deux, mais il n’appartenait pas à proprement parler au film. Ce film était majeur, mais Kafka en avait donné une perception qui se voulait mineure. On peut retrouver ces deux critères dans les films, mais il faut les penser différemment.

« Passer par le milieu »

Passer par le milieu pour Kafka, c’est ne pas passer par le début ou la fin. C’est saisir un bout de film, une scène. Mais un film mineur a forcément un début et une fin et va nécessairement passer par le milieu : cela signifie que les coordonnées majeures ne peuvent pas s’appliquer. On n’entre pas dans un film mineur comme dans un film majeur.
Dans Le Procès de Orson Welles, une adaptation du roman de Kafka, les relations entre les personnages sont des relations de domination, mais elles sont douteuses, elles n’ont pas de fondement. Les policiers qui viennent arrêter Josef K. ne savent même pas pourquoi ils doivent l’arrêter et ne le feront pas (Josef K. reste libre). L’avocat — incarné par Orson Welles — qui est censé le défendre ne le défend pas, d’ailleurs il ne défend personne. Le juge qui est censé le juger a un dossier vide : à la place des « pièces de l’instruction », Josef K. découvre des pages de livres érotiques. Les lignées dans un film mineur sont là, mais elles sont floues. Si on prend maintenant l’autre axe, celui du développement de l’histoire, on s’aperçoit que le « conflit » lui-même censé être le moteur d’une histoire — visant la transformation du personnage principal autant que le développement de l’histoire — non seulement n’a aucun sens, mais n’est jamais résolu. Josef K. est condamné sans raison, et même tué, mais il y a des centaines d’autres Josef K. qui attendent leur tour, leur jugement. La résolution est toujours différée. La mort elle-même est absurde : un simple bâton de dynamite engendre une explosion nucléaire.

L’affect
L’affect existe aussi au cœur du film, il n’est pas seulement dans la capacité singulière d’un individu à se rapporter aux choses et au monde (Kafka). Le film mineur permet aux spectateurs d’entrer dans des processus de subjectivation qui « désignent l’opération par laquelle des individus ou des communautés se constituent comme sujets, en marge des savoirs constitués et des pouvoirs établis, quitte à donner lieu à de nouveaux savoirs et pouvoirs » (Gilles Deleuze, « Sur la philosophie », Pourparlers, Minuit, 1990, p. 206). L’affect est le nom de ces processus de subjectivation mineure. Deleuze et Guattari ont une très belle définition de l’affect : « L’affect, ce n’est pas un sentiment personnel, ce n’est pas non plus un caractère, c’est l’effectuation d’une puissance de meute, qui soulève et fait vaciller le moi » (Mille Plateaux). En ce sens, l’affect maintient le film « ouvert » — comme on dit d’une blessure qu’elle est « ouverte ». L’affect vient déchirer notre appartenance aux normes sociales qui nous façonnent.
L’affect a un « potentiel émotif », pour reprendre l’expression de Saul Bass à propos des montages d’Eisenstein [12], il n’est pas contaminé par les discours sociaux, il nous arrache à un milieu, notre espace-temps. La construction du montage s’appuie sur l’exagération des procédés de montage, par exemple une extrême profondeur de champ, ou sur une composition des plans dynamiques mettant en jeu des fragments de corps, sous la forme de cuts, sous des angles inhabituels, à l’instar de Slavko Vorkapić [13] ou de Gyorgy Kepes [14].
Il y a trois sortes d’affects dans un film. Je donnerai trois exemples.

a) Quand dans Psycho [1960] l’héroïne, Marion Crane, est attaquée et tuée sauvagement dans sa douche, Hitchcock réussit l’impensable : fracturer le film, le couper en deux, comme avec une hache, il crée un affect de « surprise », dont l’effet est comparable, selon ses propres mots, aux effets d’une fusée V2 [15]. C’est un vrai choc : tout le cinéma des années 70 sera marqué par le coup de poignard de Norman Bates, qui déchire la membrane politique. Les spectateurs ne sentiront plus jamais en sécurité chez eux, dans l’espace domestique. Hitchcock en remettra une couche avec The Birds/Les Oiseaux[1963].

b) La plupart du temps, l’affect est un « trouble » qui ne se dissipe pas. Antonioni est un grand maître du trouble : dans L’Avventura, c’est la disparition d’une jeune femme qui est vécue comme un déchirement ; dans Profession : reporter, la cause en est le changement d’identité du personnage principal ; dans Zabriskie Point, on est troublé par le silence permanent et l’explosion finale d’une maison qui est la métaphore de la fin du consumérisme. Avec l’affect, on n’entre pas dans du sentiment (dont les trois piliers du cinéma états-unien sont l’effroi, le comique et le mélodrame), mais dans quelque chose qui dérange, nous fait vaciller.

c) Avec l’arrivée des blockbusters (beaucoup de moyens, beaucoup de stars, beaucoup d’effets visuels et sonores et beaucoup d’argent), au milieu des années 70, l’esprit est soumis sans cesse à des chocs permanents, un bain sonique et une logique narrative dont les lignées sont exponentielles et les fins apocalyptiques. Pour faire face à cela, le cinéma mineur met en place la sidération. Les psychanalystes la définissent comme « un événement qui brise tout ce qu’on a construit pour nous protéger de ce qui nous menace ». Dans le cinéma mineur, la sidération arrête le mouvement d’emballement des images et du son propre aux blockbusters. La sidération c’est l’incapacité d’articuler un discours à propos d’un événement : nous sommes saisis autant que les personnages. Le storytelling du cinéma majeur a besoin de rendre compréhensible l’événement ; il ne doit pas rester énigmatique. Ce qui arrive doit être associé à une origine ; ça vient d’une planète lointaine, c’est une malédiction, c’est une expérience de laboratoire qui a mal tourné. À partir de là, ce sont des émotions de peur, de joie qui jouent leur rôle… Le cinéma mineur, quant à lui, veut nous garder dans la sidération. L’explication de l’événement ne doit jamais avoir lieu. La sidération, c’est côtoyer l’invraisemblable, l’impossible. On la trouve parfaitement en œuvre chez Jordan Peele.

Nope [Jordan Peele, 2022] commence par une séquence (reprise plus tard plus longuement dans un flash-back), où on voit un plateau de télévision avec des acteurs qui jouent la comédie, parmi eux, un chimpanzé à qui on demande de faire des tours stupides. Et puis l’impossible a lieu, l’animal ne supporte plus ce qu’on lui demande, cette domination humaine : il dit « non » à toute cette mascarade, et fracasse la tête de ceux qui se paient sa tête. Un jeune enfant sera épargné ; il est le seul témoin sidéré de l’événement. Au cours du massacre, une chaussure d’un des acteurs se retrouve perpendiculaire au sol, et ne retombe pas, signe de l’improbable qui a eu lieu. L’événement provoque en nous autant que chez l’enfant un mutisme, une sidération. L’animal sera finalement abattu.
C’est la même configuration qui travaille la suite du film. Otis Haywood et sa sœur travaillent ensemble, en tant que dresseurs de chevaux pour le cinéma. Un jour, Otis est témoin de la mort de son père, tué inexplicablement par un objet tombé du ciel. La sidération est engendrée par une entité improbable, cachée dans un nuage, qui est aussi belle que féroce, semblable à un animal qui ne veut pas être vu, donc dompté.

Faire fuir le film de tous côtés

Un film mineur laisse filer le sens du film, le fait fuir de tous côtés. De cette façon, la construction comme le sens du film nous échappent et nous sommes désorientés. Le film nous mène sur des sentiers inconnus : la relation entre les espaces, entre les personnes est « désarticulée », pour parler comme Luca Salza [16].
Dans Le Procès, ce qui frappe, c’est surtout l’utilisation de la profondeur de champ. Orson Welles en fait un usage permanent, mais ici la profondeur de champ est poussée à l’extrême comme dans la scène du bureau, où on est pris de vertige. La profondeur de champ affecte même les objets, comme cette « porte de la Loi » aux proportions démesurées par rapport aux personnages. Ce qui frappe aussi, c’est la variation permanente des ambiances entre les lieux du film, qui dessinent des genres différents. On passe d’une ambiance à une autre, d’une lumière à une autre : d’une ambiance mélodramatique (discussion entre l’infirmière et Josef K.), on peut très vite basculer dans l’effroi (scène du châtiment des deux policiers). La luminosité varie également sans cesse. L’échelle de plans souligne l’indétermination spatiale, temporelle et générique.

Les devenirs

Le mineur fait entrer dans des devenirs. Avec ces devenirs, nous ne sommes plus dans le régime normatif imposé par les dispositifs de cinéma qui assigne des rôles définis. Certains personnages entrent dans des devenirs-animaux, des devenirs-machines, d’autres sont des déserteurs dont on ne comprend pas tous les actes. Parmi les films mineurs les plus remarquables, il y a deux films de Hiroshi Teshigahara, cinéaste japonais : Otoshiana/Le Traquenard et Suna no onna/La Femme des dunes. Le tueur au couteau dans Le Traquenard, on ne sait s’il est chargé de tuer un homme par contrat ou s’il n’est que la main du destin, c’est-à-dire un symbole de l’absurdité des relations entre les hommes. Mais après le meurtre, les victimes reviennent parmi les vivants. Ce devenir-mort-vivant des victimes permet aux spectateurs d’adopter un point de vue mineur sur les événements du film. Dans La femme des dunes, un entomologiste, parti à la recherche d’insectes rares dans une contrée désertique, est pris au piège d’une maison entourée par des bancs de sable infranchissables et contraint de remplir des sacs de sable jusqu’à la mort pour rester en vie. Sa vie finit par ressembler à celle des insectes qu’il capturait.

Le démaquillage

Le cinéma mineur c’est aussi ce qui « démaquille » [17]. Le cinéma mineur refuse la singerie du cinéma majeur. Les comédies actuelles du cinéma français se font l’écho des préjugés et des clichés de la société ; en cela, elles ne font que la singer. Le cinéma mineur n’est pas non plus dans l’exploitation d’une franchise fantasmatique (James Bond…).

III — Vers une écologie mineure

Les films mineurs dépendent d’un sixième et dernier critère, le plus important : un personnage conceptuel. Qu’est-ce qu’un « personnage conceptuel » ? C’est un objet, un vivant, un non-mort. Dans la littérature de Kafka, ils sont légion : les sirènes silencieuses, les balles qui suivent Blumfeld, le cancrelat Samsa, Gracchus le mort-vivant, etc.Le personnage conceptuel, c’est ce qui porte, guide et donne sa puissance à l’affect, aux devenirs. L’ensemble des critères du mineur définit ce qu’on peut appeler « une niche écologique », un « écosystème » ou une « coupe dans un plan d’immanence » [18]. Le cinéma n’est pas plat, c’est une sorte de terrier avec plusieurs tunnels. Il tisse des labyrinthes qui ouvrent des bifurcations singulières. Il y a trois types de niches écologiques dans le cinéma mineur états-unien.

Première niche écologique

Elle propose une « expérience du changement ». Je prendrai deux exemples.
Dans 2001, L’Odyssée de l’espace [Kubrick, 1968], le changement passe par un objet non identifié, dont la forme est parfaitement géométrique et le but est inconnu. C’est un « monolithe » qui ne renvoie à aucun signifiant (ni Dieu ni maître extraterrestre). Nous suivons les péripéties de ses apparitions, dans le passé, à l’époque des grands singes, et dans le futur (2001), à l’époque de la conquête spatiale. Deleuze l’a décrit comme une « pierre noire », alors que c’est plutôt un cristal, un mica noir géant. Le monolithe est un personnage conceptuel qui transforme l’homme, il est un « incubateur » qui fait passer l’homme dans un devenir-cosmique, nommé Zarathoustra.

Dans La Nuit des morts-vivants [Romero, 1968], le personnage conceptuel c’est le zombie que l’on connaît. Il sort de sa tombe et mord, démembre et ingurgite les corps des vivants. Le cinéma majeur lui assigne une identité (il est le sous-prolétariat, la horde de migrants ou le monstre). Pour Romero, au contraire, « le zombie incarne le changement ». Le zombie c’est un événement, une « catastrophe » (a disaster) qui vient perturber l’écosystème androcène, anthropocène. Le zombie est un « perturbateur ». Face à lui, les gens réagissent de façons différentes. Cela permet une cartographie mineure du pays. Le zombie est le stigmate d’un manque, celui de l’absence d’une communauté réelle. Car comme dit aussi Romero, nous ne sommes pas encore « mûrs pour la vraie communauté » [19].

Deuxième niche écologique

Le cinéma mineur peut viser la « décomposition » des dispositifs du cinéma majeur. Il y a deux façons de le faire.
La manière hard, c’est celle de Marco Candore, un cinéaste « pirate ». Son geste cinématographique a quelque chose du giallo : aborder la machine du cinéma états-unien, la machine Griffith, et la tuer.
Marco Candore a réalisé une dizaine de films : et dans chaque film, il démonte un à un les mécanismes de la machine hollywoodienne, avec ses dispositifs, sa fantasmagorie, ses stars, ses scènes, ses histoires. Il disloque le scénario, il disloque le star-system, il étire le son et l’image jusqu’à l’extinction, pour en extraire la « matière pure ». Ce qui compte pour lui, c’est de parvenir à une pluie d’affects. Ici le personnage conceptuel, c’est le cinéma majeur, mais en tant qu’il entre dans un devenir-mort-vivant. Le cinéma relève désormais d’une nouvelle machine, la machine-Shelley (du
nom de l’autrice de Frankenstein).

La manière soft, c’est Bruno Dumont qui l’incarne : il laisse filer la caméra, et tente de saisir, comme il dit, la grâce. La pesanteur, c’est ce que nous impose le cinéma majeur avec ses stars, sa manière de fabriquer un scénario, une histoire. Pour trouver la grâce, Dumont propose d’attaquer le cinéma sur trois plans. D’une part, il prend des acteurs non professionnels qui ne savent pas d’avance ce qu’ils vont dire dans une scène [20]. D’autre part, il travaille, comme un peintre, sur « les paysages ». Mais Dumont est sensible aussi aux devenirs-animaux. C’est le troisième plan de son travail. Dans Twentynine Palms, un road movie, Dumont met en scène un couple incapable de se comprendre : David est troublé dans sa sexualité et Katia est troublée dans son âme. Un troisième personnage joue un rôle considérable, c’est le « désert », il accroît le sentiment d’incommunicabilité entre les êtres, mais aussi participe de la métamorphose de David, puisque ce dernier s’y fait violer par un autre homme. Le film s’achève par le meurtre de Katia qui n’est pas sans rappeler « la scène de la douche » (Hitchcock). Comme dans Psycho, le meurtrier est déguisé en femme, mais David est ici dans un devenir mi-queer, mi-animal.

Troisième niche écologique

C’est la forme la plus étrange. Celle qui rappelle le plus Kafka. Ce dernier affirme qu’on peut trouver « dans les petites nations » de quoi suppléer à une « conscience nationale souvent inactive et toujours en voie de désagrégation ».
Dans Phase IV [Saul Bass, 1974], la fourmi est le vrai personnage conceptuel du film. La fourmi c’est un être minuscule, qu’on écrase d’ordinaire du pied, mais dans ce film, elle n’a plus de maître. Un rayonnement cosmique rend possible un saut « biologique ». D’espèces antagonistes, les fourmis en viennent à se constituer en peuple. Tout l’enjeu du film est d’incorporer les hommes dans un devenir-cosmique. Par le biais des fourmis, la nature renverse la domination des hommes de
l’anthropocène, de l’androcène, du capitalocène. Les fourmis sont l’image de la communauté que nous espérons, une communauté ouverte et mineure.

Conclusion

Ces catégories ne sont nullement exhaustives et définitives. Elles permettent néanmoins de distinguer ce qui fait qu’un film peut « tirer » du côté du majeur ou du mineur. Les films sont pris dans des cartographies. Certains films sont plus mineurs que d’autres, sont pris par des lignes de fuite qui les portent plus loin que les finalités d’un cinéma industriel axé sur le profit. Se pose la question des conditions de diffusion et de projection des films mineurs [21].
Retenons qu’aucun cinéma mineur n’existe sans une opération de mutilation des catégories majeures, sans un coup de pioche. La plus belle métaphore du cinéma mineur, c’est peut-être encore chez Kafka qu’on la trouvera : c’est celle d’Odradek [22], la bobine de fil qu’on ne peut attraper, la bobine qui (se) défile sans cesse, à l’image de la pellicule filmique.

Joachim Daniel Dupuis

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Filmographie

Cabiria
(Giovanni Pastrone, 1914)

L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat
(Louis Lumière, 1895)

L’Avventura
(Michel-Angelo Antonioni, 1960)

La Femme des dunes/Suna no onna [砂の女 ] (Hiroshi Teshigahara, 1964)

La Nuit des morts-vivants/Night of the Living Dead (George Romero, 1968)

La Traite blanche
(August Blom, 1911)

Le Procès
(Orson Welles, 1962)

Le Traquenard/Otoshiana [おとし穴]
(Hiroshi Teshigahara, 1962)

Les Oiseaux/The Birds
(Alfred Hitchcock, 1963)

Mécanoscope
(Marco Candore, 2013-2017, 11 films, mecanoscope.com)

Nope
(Jordan Peele, 2022)

Phase IV
(Saul Bass, 1974)

Psychose/Psycho
(Alfred Hitchcock, 1960)

Star Wars
(George Lucas, 1977)

Twentynine
(Bruno Dumont, 2003)

2001, L’Odyssée de l’espace/2001, a space odyssey (Stanley Kubrick, 1968)

Crédits

Michel-Angelo ANTONIONI, L’avventura, 1960, 143 min, 35 mm, N. & B., Cino Del Duca, droits réservés.

Saul BASS, Phase IV, 1974, 84 min, 35 mm, Alced Productions, Paramount Productions, droits réservés.

August BLOM, Den Hvide Slavehandels Sidste Offer, 1911, 47 mn, format 1,33:1, film muet, Nordisk Film, domaine public.

Marco CANDORE, Mécanoscope, 2013-2017, 11 films, Candore Production, droits réservés.

Bruno DUMONT, Twentynine, 2003, 119 mm, 35 mm, 3B Productions, The 7th Floor, Thoke Moebius Film Company, droits réservés.

Alfred HITCHCOCK, Psycho, 1960, 109 mn, N.&B., 35 mm, Shamley Productions, droits réservés.

Stanley KUBRICK, 2001, a Space Odyssey, 1968, 156 min, 35 mm et version 70 mm, Metro-Goldwyn-Mayer, droits réservés.

Louis LUMIÈRE, L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, 1895), 50 secondes, 35 mm à double jeu de perforations rondes Lumière par photogramme, N.&B., Société Lumière, domaine public.

Jordan PEELE, Nope, 2022, 130 min, 65 mm IMAX, Universal Pictures, Monkeypaw productions, droits réservés.

George ROMERO, Night of the Living Dead, 1968, 96 min, 35 mm, Laurel Productions et Image, photogrammes du film, domaine public (dès sa sortie).

Hiroshi TESHIGAHARA, Otoshiana [おとし穴], 1962, 97 min, 35 mm, Toho Company, droits réservés,
Suna no onna [砂の女], 1964,123 min/147 min, Toho Company, Teshigahara Productions, droits réservés.

Orson WELLES, Le Procès, 1962, droits réservés.

Je remercie Lisbeth Richter Larsen du Det Danske Filminstitut/Danish Film Institute de m’avoir permis d’utiliser les images du film Den Hvide Slavehandels Sidste Offer (August Blom, 1911).

Notes

[1DELEUZE (G.) et GUATTARI (F.), Kafka, pour une littérature mineure, Paris, Les Éditions de minuit, 1975, p.48.

[2BENE (C.) et DELEUZE (G.), Superpositions, Paris, Les Éditions de minuit, 1979, pp.128-129.

[3Quel écart par exemple entre Naissance d’une nation [David Wark Griffith], où le Noir est présenté comme un fou, un sauvage à l’écran (« crazies Negroes »), et n’existe pas en tant qu’acteur (ce sont des acteurs blancs qui sont grimés, blackface) et Sweet Sweetback’s Baadasssss Song [Melvin Van Peebles, 1971], où on retrouve le thème de la fugue, de la fuite propre au marronnage ? Quel écart entre Arabian Jewish Dance [Edison, 1903] qui reprend une imagerie antisémite et A serious Man [les frères Coen, 2009] qui exprime les interrogations d’un père de famille juive face aux catastrophes qui lui tombent dessus ? Quel écart entre Broadway Melody [Harry Beaumont, 1929] ou Haute Société [George Cukor, 1932] dans lesquels le personnage de l’homosexuel est caricaturé et Brokeback Mountain [Ang Lee, 2005] ou encore, du même réalisateur, Xi Yan [Ang Lee, 1993] ?

[4KAFKA (F.), Journal, traduction Marthe Robert, Paris, Grasset, 1954, p.1.

[5KAFKA (F.), Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. III, 2022, p.6-7 : « Toutes les choses, en effet, qui me viennent à l’esprit ne viennent pas de la racine, mais seulement d’un vague endroit situé à peu près en son milieu. »

[6TOULET (E.), Cinématographe, invention du siècle, Découvertes Gallimard, 1988, pp.16-17.

[7L’affect, s’agissant du cinéma, peut avoir lieu au cours d’un film ou devant une affiche. Dans le processus de création/réception, l’affiche est aussi « au milieu » : elle n’est ni un début ni une fin, mais est un avant-goût du film, qui — sur le plan de la fabrication — lui préexiste pourtant. Dans le cas de Kafka, l’intérêt pour une affiche peut parfois être plus fort que le film lui-même. cf. KAFKA (F.), Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. III, 2022, p. 979 : « ma distraction, mon besoin de divertissement s’assouvissent devant les affiches ; mon malaise intérieur habituel, cette sensation d’un éternel provisoire, je m’en repose devant les affiches ; […]. » (Lettre à Felice, 13-88.)

[8Le film originel est de Viggo Larsen (1907).

[9KAFKA (F.), Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », sous la direction de Claude David t. II, 1980, pp. 160-161 ; Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre, t. I, 2018, p. 275 : « […] ça me rappelle exactement le film L’Esclave blanche, dans lequel l’héroïne innocente est poussée, dès la sortie de la gare, à l’intérieur d’une automobile par des hommes inconnus, et enlevée. »

[10KAFKA (F.), Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. III, 2022, p.363.

[11KAFKA (F.), Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. IV, 2022, p. 111.

[12BASS (S.), « Propos d’un graphiste sur la bande animée », Le Courrier graphique, n° 113, 1961, pp.38-41.

[13VORKAPIĆ (S.), O pravom filmu, Beograd, Fakultet Dramskih Umetnosti, 1998.

[14KEPES (G.), Language of vision, New York, Dover publications, Inc., 1995.

[15Sur la différence entre suspense et surprise associée aux fusées nazies (V1, V2), lire : DUPUIS (J.D.), Derrière le rideau, Alfred Hitchcock, Saul Bass et la scène de la douche, Paris, L’Harmattan, 2019,pp. 62-66.

[16SALZA (L.), Kafka out of joint, Paris, Mimesis, 2023. Luca Salza développe parfaitement cette catégorie dans son travail.

[17BROSSAT (A.), Maquiller ou démaquiller le réel ? Le cinéma en première ligne, Paris, L’Harmattan, 2022.

[18DELEUZE (G.) et GUATTARI (F.), Qu’est-ce que la philosophie ?, Les Éditions de Minuit, 1991.

[19FERRARI (J.-C.) et VALENS (G.), « Entretien avec George A. Romero. Parler de notre monde », Revue Positif, n° 568, juin 2008, p. 25.

[20« Le réel, dit Dumont, n’est pas mis dans la fiction, car il est déjà là ». cf. BROSSAT (A.) et DUPUIS (J. D.), Bruno Dumont ou le cinéma des Z’humains, Paris, L’Harmattan, 2021.

[21Je remercie Philippe Roy d’avoir soulevé cette question au cours des échanges qui ont suivi la conférence.

[22KAFKA (F.), Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, 2018, pp. 183-184 (texte) et pp.1073-1075 (notes).