Guide lexical du confinement transnational

, par Adam Pašek


Où qu’il ait apparu, où qu’il ait infecté une poignée voire une seule personne, le virus SARS-COV-2 a été dès son origine une menace à grande échelle. Les lois de sa propagation sont sans doute un "argument physique" contre l’individualisme. En effet, un nombre de commentateurs a remarqué son caractère universalisant. Slavoj Zizek est même allé jusqu’à suggérer que de par cette qualité, le COVID-19 serait à même d’inciter l’émergence d’une sorte d’internationalisme communiste de fait. Quoique ces hypothèses nous semblent exagérées et le communisme de Zizek dilué au point où nous ne saurions guère nous y reconnaître, la globalité de l’expérience pandémique est irrécusable. Même les frontières qui savent le mieux empêcher l’ex-filtration d’informations semblent incapables de faire barrage à l’infiltration du virus.

Dans tous les pays touchés, cette expérience a été déterminée par les mesures hygiéniques gouvernementales et dans un grand nombre de ces pays, ces mesures consistaient à imposer une variante de "lockdown" ou de "confinement". Ces mesures sont certes variables d’un pays à l’autre, comme sont toto caelo différents la distanciation sociale recommandée à Taïwan et le confinement en France. En outre, dans chaque pays, elles induisent une très grande variété de conditions personnelles. Un livreur d’amazon vit ces dernières semaines une expérience sans nul doute très différente de celle qui est vécue par un cadre confiné dans sa résidence secondaire sur la côte. Dans certaines résidences, la vie se flétrit lentement en se transformant, au jour le jour, en désespoir. Dans d’autres, des journaux extimes de confinement, l’un plus risible et futile que l’autre, fleurissent. Y a-t-il quelque chose de vécu en commun ? Il nous semble permis d’un douter. Toutefois, le phénomène de confinement demeure à la croisée des expériences divergentes. Sans constituer un commun, il est un nom de ce qui clive en commun. Il ne nous a pas paru inutile de jouer à cartographier ce nom dans différentes langues.

Il a été d’emblée évident que pour constituer ce vocabulaire polyglotte, il serait inutile de regarder dans le dictionnaire. Non seulement à cause de la diversité des mesures prises dans différents pays, mais aussi parce que l’usage qui s’est imposé n’est pas toujours celui que suggérerait la définition en vigueur dans les cas ordinaires. Pour débusquer les usages qui se sont constitués ad hoc au gré des discours médiatiques ou gouvernementaux, en fonction de l’histoire des pays, sous l’influence des expressions dans les langues étrangères etc., il a fallu demander aux locutrices et aux locuteurs. Nous nous sommes mis alors à envoyer des messages aux amies et aux amis et, plus tard, à poser des questions sur les forums en ligne. La carte que l’on vous présente aujourd’hui est un fruit des efforts de composer une sorte de petit guide ("folie philologique", dixit Alain Brossat). Ces efforts ne sont cependant pas terminés et la carte est plutôt à prendre comme un work in progress que nous espérons améliorer au fur et à mesure que nous recevrons de nouvelles réponses. Par là-même, nous aimerions vous inciter à nous envoyer vos ajouts, corrections ou suggestions éventuels dans les commentaires ici sur le site.

LIEN : https://global-lockdown.now.sh

Pour créer cette carte, nous avons utilisé l’application word-map librement accessible sur github. Nous tenons à remercier le créateur de l’application pour son soutien dans la création de notre projet.