Le printemps dépeuple

, par Mathilde Mouton


« Les morts demeurent adossés à la cheminée »
Proverbe arabe

1- Vivement qu’on soit tous morts, qu’on puisse enfin passer aux choses sérieuses !

2- Soutenez la sexualité démocratique ! Ne pratiquez plus la brouette chinoise, mais le cabrouet taïwanais !

3- On détecte désormais en France des portions entières de territoires, de paysages urbains, périurbains, ruraux et semi-ruraux qui puent le fascisme. Il suffit d’avoir un peu de nez pour s’en aviser.

4- Sur les différences de tempérament : il y a ceux.celles qui se débrouillent pour organiser leurs existences comme de perpétuelles vacances (ou weekends) – ce sont les naturels heureux. Et puis il y a ceux.celles qui se lèvent chaque matin avec le sentiment qu’il va leur falloir monter au front sous une pluie de balles ou alors, carrément, à l’échafaud. La majorité, sans doute...

5- Venez essayer nos pantalons off-shore !

6- Si votre portail s’obstine à produire un grincement horripilant malgré la pulvérisation du dégrippant supposé infaillible WD-40 (marque déposée), tentez la méthode psychologique – retenez votre souffle et lâchez-lui en pleine gueule : « Arrête de faire le gond ! ».

7- Alain Badiou publie chez Flammarion son autobiographie, intitulée modestement Mémoires d’outre-politique – il se prend pour Maobriand ?

8- Science expérimentale : lavez la tête d’un député Renaissance avec un shampooing pour chien – il se mettra, dans les cinq minutes qui suivront, à remuer la queue.

9- Il faudrait concevoir qu’Internet, aujourd’hui, c’est comme l’automobile au temps de Week-end, le film de Godard : barbare, meurtrier, sauvage, délirant, sanglant. Avec le temps, ça va s’« améliorer », se civiliser, dirait-on, mais c’est une illusion : c’est incurable, sans retour ni recours – une plaie d’Egypte, comme le nucléaire civil et militaire, les mines anti-personnelles, etc.

10- Dans certaines stations cossues de la French Riviera, les chaises percées en plastique encombrent les trottoirs aux petites heures du jour – témoignages désolants du passage de vie à trépas du quota réglementaire d’opulents agonisants prélevés par la Faucheuse, tout au long de la nuit qui précède.

11- Le problème de la langue française : elle ne sait pas ce qu’elle veut – on dit aussi bien un médicament pour l’hypertension que contre l’hypertension. Faudrait savoir ! De la même façon : un chien d’aveugle, cela peut vouloir désigner deux entités bien différentes.

12- Colons israéliens pogromistes et tueurs d’Arabes en Cisjordanie : des suprémacistes états-uniens blancs, pour la plupart, parfumés au Talmud.

13- Sur France Musique, Denisa Kerschova nous initie aux goûts musicaux des présidents des Etats-Unis. Harry Truman, nous révèle-t-elle, aimait à interpréter du Mozart au piano devant un cercle d’intimes, dans un salon feutré de la Maison Blanche. Elle ne nous dit rien, malheureusement, des sonates qui lui vinrent sous les doigts les 6 et 9 août 1945, en soirée...

14- Au train où vont les choses sur les plateformes post-hollywoodiennes, on serait porté à préférer les films d’inaction aux films d’action – le temps béni des Straub, Duras, Robbe-Grillet, etc.

15- Si Jean-Marie Le Pen n’a jamais torturé en Algérie, alors Benjamin Stora n’a jamais été lambertiste et le Pape est bouddhiste – bref : tout est possible, comme disait la vieille Hannah, et l’on sait moins que jamais de quoi hier sera fait.

16- Comme on dit d’un quidam qui vient de passer l’arme à gauche – c’est le cœur (le foie, l’appareil respiratoire...) qui a lâché, on dira de la démocratie moderne : c’est la représentation qui l’a laissée en rade ; privée de cet organe, elle se survit en état de coma profond, sous assistance respiratoire, intubée par tous les bouts.

17- Dans les années 1970, la ligne d’horizon, c’était l’augmentation, l’intensification de la vie – d’où, entre autres, les drogues, douces et moins douces. Dans les années 2020, la ligne directrice, c’est la diminution et la désensibilisation de la vie – d’où les somnifères, les tranquillisants, etc.

18- Comptine (à compléter, on est pressé)

On dit les papillons
tâtillons
Et les vermisseaux
un peu sots...
Au fait :
les vermisseaux ou les pourceaux ?
On s’en fout !
On dit les lièvres
un peu mièvres
Et les bécasses
assez cocasses
Entendu – mais les limaces ?
Ah ! Salaces !
(...)
Il n’est pas vrai
que les élans soient lents
Ni les hérissons
polissons
Et moins encore les grenouilles
fripouilles
(…)

19- Un gramchien, ça n’est pas nécessairement un philosophe marxiste qui aboie.

20- Expérience de pensée : essayez juste d’imaginer ce que serait aujourd’hui la doxa sur la bombe atomique, si les nazis y avaient eu recours à la fin de la Seconde guerre mondiale, plutôt que les Américains – disons : Birmingham plutôt que Hiroshima et Leeds plutôt que Nagasaki, que cela leur ait permis de gagner la guerre ou bien, au contraire, que cela ne leur ait pas évité la défaite. A vos plumes, camarades !

Mathilde Mouton