Un poème que n’a pas goûté le recteur de Créteil
Suite à une formation « Laïcité et valeurs de la République » au lycée Marcelin Berthelot de Pantin 93, les élu·es du personnel enseignant ont décidé d’écrire un poème en alexandrin pour souligner l’émoi des personnels ayant subi cette formation. Ce poème, que nous publions ci-dessous, a été lu en conseil d’administration par un professeur élu. Pendant la lecture le chef d’établissement a quitté le conseil d’administration puis signalé le professeur et envoyé le poème au cabinet du recteur. Le professeur a été convoqué vendredi 7 janvier 2022 au rectorat par le directeur du cabinet du Recteur de Créteil et la secrétaire générale adjointe chargée des ressources humaines.
Motion – Le serpent et le roquet – Récit d’une formation Valeur de la république et Laïcité
Laissez-nous vous conter la bien étrange fable,
Dont nous devons chercher, depuis lors la morale,
D’un serpent louvoyant, la langue mielleuse,
Qui n’est pas dominant et devient bête hargneuse,
D’un roquet aboyant, la langue fielleuse,
Sans retour connivent donc d’humeur bilieuse.
Présents parce qu’obligés un matin de novembre,
Les collègues d’un lycée venus la messe entendre,
Furent surpris pour le moins du discours entendu.
De dialogue, il n’y eut point, les questions pourfendues.
Acquiescer sans rien dire, et l’échange banni,
A leurs propos souscrire mais répondre, nenni.
Non, infantilisés, soupçonnés sans détour,
On nous a menacés, main de fer sans velours,
D’être photographiés, convoqués tour à tour,
Par un recteur caché, preuve aussi de bravoure.
Sous le masque se cachant, après les points légaux,
D’exemples iniques en faits divers démagos,
De la laïcité, des affiches de campagne,
On a vite retrouvé les sombres amalgames.
Pour étonner ainsi, leurs propos quels furent-ils ?
Un seul thème choisi, le voile des jeunes filles.
Sans surprise, quel drame, nous nous y attendions.
L’habillement des femmes sous toutes ses variations,
Du pouvoir rétrograde déchaine les passions,
Dès que vient une estrade, ils hurlent à l’unisson.
Quelle erreur feraient-elles, si en plus d’être femmes,
A l’époque actuelle, elles étaient musulmanes.
C’est de ça, sans erreur, dont on nous a parlé,
De fréquence, de longueur, toute la matinée.
De photos, de chevilles, mais pas de liberté.
De robe et de textile, pas de l’égalité.
D’abaya, de bandeaux, pas de fraternité.
De hijab, d’oripeaux, pas de laïcité.
Qu’elles nous semblent éloignées, dans ces nuages si lourds,
Ces valeurs qui toutes et tous nous animent tous les jours.